Marinos Papadopoulos Vretos est considéré comme l’un des premiers à transmettre à la littérature hellénique le roman des « mystères » et le feuilleton. Son œuvre de traduction est limitée mais non négligeable : jusqu’à présent, on a repéré six traductions ou adaptations (depuis le français et l’italien) de textes narratifs littéraires et d’une comédie en un acte. Son œuvre en français est plus importante; elle était publiée dans des journaux, des revues et des volumes indépendants. Vretos s’y révèle comme un multipolar mediator entre la France et la Grèce, l’identité culturelle des Grecs constituant l’objet du transfert, par le biais de sa diffusion dans divers médias imprimés. Il fut actif à une époque cruciale, déterminée par le geste diplomatique de la France de fonder l’École française d’Athènes (1846), le rejet des représentations philhellènes en Occident et le début de la « haine de l’hellénisme » à partir de 1850, jusqu’à la collaboration d’intellectuels grecs et d’hellénistes, français pour la plupart, à la promotion des études grecques en France dans le cadre de l’Association pour l’Encouragement des Études Grecques (1866 sqq.). Grâce aux collaborations qu’il développa avec la presse française depuis le milieu des années 1850, il parvint à acquérir la réputation de source d’information fiable sur la Grèce, tandis que son nom était enregistré dès 1858 dans le Dictionnaire universel des contemporains (p. 1747) de G. Vapereau.
Un stade important de sa vie fut son séjour de trois ans dans la capitale française (1852-1855), à l’époque de la guerre de Crimée. Parmi les connaissances qu’il fit parmi les hellénistes, philhellènes et journalistes français, certaines d’entre elles avaient visité l’espace grec et conservaient un intérêt pour les choses grecques. De la vieille génération d’hellénistes du cercle de Claude Fauriel et d’Adamantios Koraïs, il rencontra Jean-François Boissonade, professeur à la chaire de langue et de littérature de la Grèce ancienne au Collège de France et Wladimir Brunet de Presle, titulaire de la chaire de littérature néohellénique à l’École des langues orientales. Par le biais de Boissonade, il fit la connaissance de Prosper Mérimée, écrivain, archéologue, historien et académicien, qui avait voyagé dans l’espace grec dans les années 1840-1842. Il compta aussi au nombre de ses connaissances le célèbre philhellène Abel-François Villemain et le comte de Marcellus, helléniste diplomate. Il développa des relations étroites avec le journaliste et académicien Saint-Marc de Girardin, qui avait fait le voyage de Grèce en 1839 et Edmond About, ancien membre de l’École d’Athènes, et avec d’autres encore. D’un intérêt particulier s’avère son entreprise (annulée) de rassembler l’érudition française dans l’édition d’un volume de mélanges intitulé La Grèce et les Grecs pages inédites des MM… recueillies et publiées par un Grec (1855), afin de renverser le climat « mishellénique » en France, auquel avait contribué la publication de La Grèce Contemporaine (1854) d’E. About. Le tome aurait comporté des critiques négatives de l’ouvrage d’About mais aussi des articles sur la Grèce. Le réseau de connaissances de Μarinos Papadopoulos Vretos suivra avec attention son œuvre et fonctionnera comme relais de ses positions dans la presse française. Parmi ses interlocuteurs se trouvait d’ailleurs About, et Vretos reconnut que les accusations de mishellénisme qu’il avait portées contre lui étaient exagérées et infondées. Une des motivations essentielles de son œuvre en français était de susciter l’intérêt pour l’hellénisme moderne, d’améliorer son image, de le défendre des accusations et des jugements formulés dans les journaux étrangers et dans les relations de voyage, de mettre en évidence son progrès. Il chercha constamment à prouver que le regard étranger, et surtout français, déformait son objet, et il l’attribuait souvent à l’ignorance ou au manque de compréhension de la réalité néohellénique. C’est pourquoi il fournissait dans ses textes une foule de données chiffrées et de documents à l’appui, ainsi que des exemples concrets.
Un de ses traits caractéristiques est le recyclage, la recompilation et la recomposition de thèmes et leur publication dans divers organes de presse, français et grecs (journaux, périodiques, volumes de miscellanées).
Lorsque le gouvernement grec lui confia, en 1855, en même temps qu’un salaire élevé, la direction du journal grec francophone Le Moniteur Grec, feuille semi-officielle du Ministère des Affaires étrangères, ce fut en considération du réseau qu’il avait construit en France ainsi que de ses antécédents heureux dans la presse française (l’édition fut interrompue en 1857 après la démission de Vrettos, qui subissait la pression de certains cadres du gouvernement). Par le biais de La Semaine Universelle, journal politique, engagé et cosmopolite, qui s’était donné comme but la défense de la liberté et de la justice dans chaque endroit de la terre, il chercha à mettre en évidence la question grecque et la question d’Orient à l’intérieur du cadre plus large de l’Europe. Il réussit à rassembler autour de lui des journalistes importants et combatifs et à faire de cette feuille − qui connut une vie brève − un organe de renseignement fiable de la presse française. Le Journal national (Εθνικόν Ημερολόγιον) ‒ qui constitue la première version grecque de ce nouveau type de journaux ‒ dont il était lui-même éditeur et principal rédacteur, et qui comprenait des traductions en grec de publications préalablement faites dans la presse française, cherchait à transmettre à l’ensemble de l’hellénisme l’image que devait projeter la Grèce aux yeux de l’Europe. Sa riche illustration occupe une place à part : reproductions de monuments antiques et byzantins de l’espace grec, de nouveaux bâtiments d’Athènes en train de se reconstruire, des paysages de Grèce et du reste du monde, des inventions, des dessins humoristiques, des caricatures, des publicités, mais aussi des images qui renvoyaient à la Révolution crétoise (1866-1869) ; un espace particulier est consacré aux portraits d’érudits, de combattants, d’hommes politiques et de philanthropes grecs, ainsi qu’à ceux d’hellénistes et de philhellènes connus, accompagnés à la fin du volume d’une brève notice biographique. Ce panthéon prosopographique qui mettait en évidence les racines du néohellénisme, les contributeurs de sa régénération et du relèvement national, ainsi que l’apport du facteur étranger, « traduisait » aux yeux des lecteurs étrangers les éléments qui composaient l’identité de la nation hellénique.
Avec une insistance particulière pour ses publications en français, Vretos posa la question de la langue grecque et ouvrit une discussion dans laquelle il impliqua l’intelligentsia française (Mérimée, Egger, Brunet de Presle, Hase, Dübner et al.). L’album Athènes moderne, luxueusement illustré, parvint à attirer non seulement l’attention du journalisme français sur la nouvelle capitale devenue ornement de la nation, mais aussi celle du souverain Napoléon III, auquel il fut envoyé en cadeau par son éditeur.
Pour sa contribution à la promotion des intérêts helléniques, Vretos fut décoré par le roi Frédéric du Danemark (1863), le roi Georges Ier (1866), ainsi que Napoléon III (1867).